Ambleville, Omerville, Arthies ou Drocourt, toutes ces communes de notre belle région ont un point commun : elles ont choisi d’éteindre une partie de la nuit l’éclairage public. Ambleville, par exemple, n’éclaire plus ses rues de minuit à 5 heures du matin et pas du tout de juillet à octobre. Arthies n’éclaire pas de 1 heure à 6 heures.
Autant de décisions qui ont été prises il y a maintenant plusieurs années (de deux à trois ans) par les conseils municipaux de ces communes qui aujourd’hui s’en félicitent, malgré quelques oppositions au début de la mise en oeuvre.
Notre époque nous invite aujourd’hui à prendre conscience de la nature fragile de notre planète et de la nécessité qu’il y a de ne pas consommer aveuglément les ressources. Les budgets alloués aux communes et les arbitrages que doivent fréquemment faire nos élus entre les projets d’aménagement et d’évolution de nos communes invitent également à examiner soigneusement les dépenses. Enfin, les technologies et les usages permettent aujourd’hui de réaliser ce que l’on ne pouvait pas imaginer il y a encore peu de temps.
Ainsi, et au travers des projets qu’ont mené diverses communes en France et tout autour de nous se dessinent des évolutions potentielles discutées au cours des conseils municipaux de Chaussy. Aujourd’hui, la question de la durée de l’éclairage public est posée aux élus de notre commune.
L’éclairage public
L’éclairage public participe à la fois à la sécurité publique, en jouant un rôle important dans la perception nocturne des espaces publics (identification des différents usagers, perception de leur comportement, détection des obstacles éventuels de la voirie), à la convivialité et à l’embellissement des espaces publics en mettant en valeur le patrimoine et en créant des ambiances nocturnes agréables. Il est cependant coûteux, énergivore et provoque une pollution lumineuse dommageable.
L’éclairage nocturne continu : un gouffre énergétique et des coûts importants
En France, 9 millions de lampes fonctionnent entre 3 500 et 4 300 heures par an pour une puissance installée d’environ 7 TWh*. L’éclairage public des villes représente près de la moitié (48%) de la consommation d’électricité des collectivités territoriales, soit 18 % de leur consommation toutes énergies confondues. Le poids de l’éclairage public dans la facture des collectivités (37% en moyenne) est donc très important.
Rapporté à la dimension de Chaussy, et selon une étude menée courant 2016 par Soliha, société de conseil en énergie, notre commune dépense environ 57 000 Kwh par an, correspondant à une dépense annuelle moyenne de 5000 €. La pratique d’une extinction de l’éclairage public de 23:00 à 05:00 permettrait d’économiser la moitié de cette dépense, soit 2500 €. On le voit, l’économie est bien réelle.
Eclairage public et sécurité.
On objectera que l’éclairage nocturne, c’est la sécurité. C’est la principale crainte opposée par les partisans de sa conservation. Et c’est en partie pour cette raison que depuis le 19ème siècle on s’est efforcé d’éclairer nos villes. Mais la ville n’est pas nos campagnes. Et la sécurité de nos rues à depuis bien évolué. Les faits (et les chiffres) infirment pourtant la perception de sécurité que procure l’éclairage nocturne. En effet, selon les statistiques officielles du ministère de l’intérieur, près de 80% des cambriolages ont lieu… en plein jour. Les cambrioleurs, en opérant de jour, ont en effet moins de risque de vous trouver à votre domicile.
Au cours de différents échanges que votre magazine a pu avoir avec les maires des communes voisines qui pratiquent l’extinction, aucun d’entre eux n’a noté une incidence sur la fréquence des vols dans sa commune. En revanche, est rapporté une nette diminution des actes de vandalisme ou de petites effractions. En effet, moins d’éclairage oblige ces personnes peu recommandables à utiliser des lampes torches. Faisceaux lumineux qui éveillent inévitablement l’attention des concitoyens et rendent plus facilement repérables les aigrefins.
On peut également s’interroger sur un danger potentiellement accru pour les véhicules et les piétons dans une situation d’obscurité. Là encore, les faits démentent l’inquiétude. Il n’y a pas plus d’accidents à Ambleville aujourd’hui que par les années passées, commune pourtant traversée par une voie à forte circulation. Car l’usager de la route, dans un contexte à visibilité réduite, maîtrise plus sa vitesse et son comportement. Roulant moins vite, les véhicules provoquent moins d’accidents, moins graves. Certaines communes en France procèdent en outre à des aménagements en installant des bandes réfléchissantes ou parfois même des points lumineux ponctuels pour des endroits particulièrement délicats.
S’adapter à chaque situation
Rond-point équipé d'une signalisation au sol rétro-réfléchissante. Il s'agit d'un exemple de dispositif pouvant remplacer l'éclairage électrique de nuit. Il peut être complété par un éclairage asservi à un détecteur de présence, pour les piétons.
Les économies réalisées les premières années permettent d’investir afin d’adapter, si nécessaire, les équipements à la nouvelle gestion de l’éclairage. Des technologies innovantes (allumage avec détection de présence sur les parkings, éclairages auto-alimentés sur des portions dangereuses) permettent en outre de gérer l’éclairage beaucoup plus finement et de l’adapter à chaque cas, ce qui n’était pas possible jusqu’alors. Bien sûr, une étude préalable doit être menée pour satisfaire le plus grand nombre. On peut par ex. imaginer de ne pas éteindre les jours de fêtes ou les week-ends…
En bonus…
La pollution lumineuse due à l’éclairage public, à contrario de la pollution sonore, n’est pas perçue comme gênante par la population. Pourtant, nous ne regardons plus le ciel. Depuis combien de temps, à Chaussy, n’avons nous pas pu observer par une belle nuit d’été le triangle du même nom ? Ou par une nuit sans lune, l’hiver, la nébuleuse d’Orion avoisinant notre fascinante voie lactée (on y voit notre galaxie par la tranche !). Imaginerait-on de ne plus pouvoir contempler nos paysages ? C’est pourtant bien celui de nos nuits que nous nous masquons en éclairant toute la nuit.
Enfin, le rythme circadien et le système endocrinien de l’homme et des animaux subissent des influences négatives avec une alternance jour/nuit amoindrie par la lumière artificielle. Humains et animaux ne pourront que bénéficier d’une mesure de réduction de l’éclairage nocturne. Que l’on se figure par exemple que les oiseaux migrateurs, qui volent la nuit, sont désorientés par les lumières des villes. Et que le lucioles, ne voyant plus les femelles dans la lumière des réverbères, ne se reproduisent plus…
Un débat ouvert qui doit être mené sereinement
Le débat est ouvert. Les communes qui ont pris cette décision l’ont fait en communiquant auprès de leurs administrés. Avant toute décision, il convient de se documenter et de compléter par les retours d’expérience de nos voisins notre connaissance. Votre conseil municipal statuera enfin sur le sujet. Toutes vos remarques et/ou idées sur le sujet seront les bienvenues. Vous pouvez les laisser en mairie ou ici. Elle seront lues et examinées avec attention.
Eric Duval-Valachs
*sources : syndicat de l’éclairage
PS : nos remerciements vont à la mairesse d’Ambleville, Mme Martine Sorel et Philippe Bouillette, son adjoint ainsi qu’au maire d’Arthies, Mr Jean Beernaert pour avoir aimablement répondu aux questions du bulletin municipal de Chaussy et partagé leur expérience de la réduction de l’éclairage nocturne.
Quelques chiffres - 9 millions de points lumineux composent le parc d’éclairage public français - Consommation globale du parc : 7 TWh d’énergie par an - 75 % des luminaires installés ont plus de 25 ans - 48 % de la consommation d’électricité d’une collectivité - En moyenne 37 % de la facture d’électricité d’une commune - 18 % de la consommation totale d’énergie d’une commune - Rythme global des rénovations : entre 2 et 4 % - Potentiel d’économies d’énergie : 40 à 80 %